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Edito

Edito d’Emmanuel Tagnard, membre du Comité et marcheur au long cours

Port du masque obligatoire, gestes barrières, distanciations sociales… Ces contraintes nous poussent à nous réapproprier une liberté intérieure. Une fois les mesures sanitaires levées et les beaux jours arrivés, saisir un bâton de pèlerin et marcher sur les chemins pourraient être une réponse à ce besoin.

Cette 6ème édition des Rendez-vous cinéma IL EST UNE FOI vous mènent hors des sentiers battus, à mi-chemin entre « l’itinéraire » et « l’errance ». Trois critères ont guidé le Comité pour sélectionner ces « Itinérances », thématique dont j’ai été l’instigateur : tout d’abord, le déplacement dans l’espace vers une destination qui amorce un cheminement intérieur. Ensuite, la force des rencontres qui agit sur les protagonistes comme un révélateur par effet miroir pour résoudre une difficulté ou fournir des clés de compréhension le long du chemin. Et enfin, la résolution des difficultés ou, au contraire, le surgissement d’une épreuve qui influence l’évolution spirituelle au fil de la quête.

Impossible de parler d’itinérances sans évoquer le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Si le coronavirus a entravé les pas des pèlerins en 2020, l’année 2019 a pulvérisé les records avec 350’000 personnes arrivées à destination. Depuis dix ans, sa fréquentation augmente de 10% chaque année et deux millions de marcheurs ont déjà foulé ce mythique chemin. Deux films reviennent sur le phénomène : « The Way » d’Emilio Estevez suit le parcours douloureux mais libérateur d’un père sur les traces de son fils. Et puis, « Saint-Jacques… la Mecque », la comédie rusée de Coline Serreau, clôture cette édition 2021. Notons que nous sommes en « année jacquaire » : le 25 juillet, jour de la Saint-Jacques, tombe un dimanche. Cela arrive 14 fois par siècle. La dernière remonte à 2010. La suivante sera dans six ans. Une année jacquaire permet aux marcheurs catholiques arrivés à destination de bénéficier d’une indulgence plénière (1). Le 31 décembre dernier, la Porte Sainte de la cathédrale de Santiago a été ouverte. Elle le restera jusqu’à la fin de l’année créant ainsi un appel d’air qui attirera certainement de très nombreux pèlerins.

Des cheminements initiatiques sont également au menu : le retour à la nature avec « Into the Wild » de Sean Penn vous fera parcourir les Etats-Unis par les chemins de traverse. Enfourchez les Harley Davidson d’« Easy Rider » de Dennis Hopper ou la tondeuse à gazon avec « Une histoire vraie » de David Lynch. Traversez une Vallée de la Mort psychédélique avec « Zabriskie Point » de Michelangelo Antonioni. Soyez témoin d’une randonnée aborigène dans le désert australien avec « La randonnée » de Nicolas Roeg. Suivez aussi l’itinérance d’un âne bouc-émissaire qui se métamorphose en Agneau Pascal dans « Au hasard Balthazar » de Robert Bresson. Avec « Si le vent soulève les sables » de Marion Hänsel, marchez dans les pas d’une famille africaine qui traverse le désert pour un ailleurs meilleur. Accompagnez un vieil homme et sa petite-fille sur les routes chinoises pour libérer un oiseau captif dans « Le promeneur d’oiseaux » de Philippe Muyl. Retrouver votre âme d’enfant « Sur le chemin de l’école » de Pascal Plisson en découvrant des chemins d’écoliers sous d’autres latitudes. Quant au « Mystère Paul », l’enquête d’Abraham Ségal vous fera emprunter le chemin de Damas sur les traces de saint Paul.

Soulignons aussi la programmation de quatre films réalisés en noir et blanc : « L’Etreinte du serpent » du colombien Ciro Guerra, un film fascinant dans lequel les méandres du fleuve Amazone se confondent avec l’âme des protagonistes. L’itinérance de l’ange Damiel en quête d’incarnation dans « Les Ailes du désir » de Wim Wenders avec le regretté Bruno Ganz (à retrouver aussi « Dans la ville blanche » d’Alain Tanner). Le parcours clair-obscur du héros de « Dead Man » de Jim Jarmusch dans un western entre deux mondes. Et enfin, la quête mystique d’un généticien spécialiste des OGM avec « Grain, la particule humaine » de Semih Kaplanoglou, un film de science-fiction contemplatif turque s’inspirant librement d’une sourate du Coran.

Dans un esprit interreligieux, d’autres fois sont également à l’honneur : « Le grand voyage » d’Ismaël Ferroukhi, embarque un père et son fils dans un road-movie attachant à destination de La Mecque. « Tarkovski, A Cinema Prayer » d’Andreï A. Tarkovski Jr. est un vibrant hommage à son père profondément pétri de foi orthodoxe. Ce film n’a encore jamais été projeté en Suisse. « Nostalghia » est aussi à l’affiche de nos rencontres pour rappeler l’itinérance intérieur du Maître russe. « Printemps, été, automne, hiver… et printemps » de Kim Ki-duk fait une incursion dans le bouddhisme Zen par le biais d’un parcours intérieur et cyclique dans l’ermitage flottant d’un moine coréen. « Sâdhu » du Valaisan Gaël Métroz explore l’itinérance d’un ermite hindou qui se rend à la Kumbha Mela, le plus grand pèlerinage du monde, après huit ans d’isolement et de méditations. A noter aussi, le singulier voyage du chartreux helvétique de « Broken Silence » : un film suisse de Wolfgang Panzer qui vous fera traverser l’Inde à destination d’un volcan indonésien avant d’aboutir dans un confessionnal new-yorkais… 

23 films, 23 itinérances, 23 parcours individuels inoubliables… Même si chaque protagoniste ne sait pas forcément où il va, il est dans sa vérité comme rappelle saint Grégoire de Nysse à propos d’Abraham (2). Certaines « itinérances » seront approfondies par des intervenants d’exception au cours des rencontres qui suivront les projections avec les écrivains Jacqueline Kellen, et Alexis Jenni (Prix Goncourt 2011), de grands témoins (Mylène Bresson, Céline Tanner, l’abbé Pascal Desthieux, Boris Wastiau et le Dr. Alexandre Ahmadi) et des réalisateurs (Coline Serreau, Wolfgang Panzer et Gaël Métroz). Une 6ème édition d’IL EST UNE FOI pour vous inspirer à vous mettre en route ou vous inciter à continuer votre chemin spirituel. Ultréia ! (3)

Emmanuel Tagnard – membre du comité cinéma

(1) Selon le dogme catholique, une indulgence plénière est une grâce offerte par Dieu. Elle est réparation, effacement du désordre causé par le péché.

(2) « Abraham partit ne sachant pas où il allait et c’est parce qu’il ne savait pas où il allait, qu’il savait qu’il était dans la vérité ». Saint Grégoire de Nysse, Contre Eunome, Livre II, par. 84-96.

(3) « En avant ! » est le cri de ralliement des pèlerins de Compostelle.

image de couverture tiré du film « Une histoire vraie »