
MARIE MADELEINE – TROIS QUESTIONS A ELISABETH PARMENTIER
MARIE-MADELEINE : SAMEDI 11 MAI À 17:00 suivi d’un débat

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Professeure à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Genève, Elisabeth Parmentier, est une des deux invitées du débat qui suivra la projection du film Marie Madeleine de Garth Davis, le samedi 11 mai. Elle est codirectrice de l’ouvrage Une bible des femmes. Elle a accepté de répondre à trois questions sur la figure de Marie- Madeleine, la Bible et les femmes.
Le film de Garth Davis propose une lecture résolument féministe du personnage de Marie-Madeleine : fiction ou réalité ?
Si le qualificatif « féministe » s’applique au fait que le film montre une femme qui assume un choix de vie de disciple, s’y voit confirmée par Jésus qui lui demande d’aller témoigner pour lui, et qu’elle peut y affirmer cette liberté et ce choix, c’est le cas. Mais il n’y a aucune militance et je n’appellerai pas forcément féminisme ce qui est dans les évangiles une affirmation que les rédacteurs n’ont pas occultée: des femmes ont pu sortir des rôles convenus. Non seulement les 12 disciples mais « des femmes aussi suivaient Jésus » (Luc 8/2). Et de nombreuses autres devinrent interlocutrices de Jésus ou collaboratrices dans le témoignage.
Marie de Magdala est montrée dans les quatre évangiles parmi ces femmes disciples, elle est présente au pied de la croix et à la tombe au matin de Pâques. Autrement, peu est connu d’elle dans les textes bibliques, mis à part que Jésus avait chassé d’elle sept démons (Lc 8/2 ; Mc 16/9). Elle n’est en tout cas nulle part présentée comme une prostituée repentie, ou une amoureuse de Jésus, comme l’ont représentée des œuvres picturales ou littéraires. Mais elle est sans conteste une femme qui eut de l’importance, et visiblement la tradition ultérieure a privilégié le rôle de Pierre.
Pour beaucoup, la Bible est à l’origine du patriarcat. Dans Une bible des femmes avec une vingtaine d’autres théologiennes vous proposez une autre lecture. Est-ce une démarche militante ou académique ?
C’est une démarche engagée puisque nous sommes féministes, mais elle n’est pas purement militante pro-femmes. Car le but est une meilleure connaissance des textes bibliques, à l’aide des perspectives de féministes universitaires et des découvertes de la recherche dans les sciences bibliques. En cela c’est une démarche académique, mais qui n’est pas destinée aux « spécialistes ». Le but est de faire connaître plus largement la manière dont on lit dans les dernières décennies les textes et les thèmes bibliques qui ont servi à domestiquer les femmes : où les textes ont-ils été mal compris, ou réduits par des traductions faussées, ou occultés par la tradition ? Chaque chapitre déborde les stéréotypes de « la » femme. Nous valorisons la riche diversité des personnalités et des histoires plurielles, montrant des lieux et tâches où les femmes bibliques furent actives bien plus diversifiés que la cuisine, la famille et les soins. Cette lecture plus diversifiée permet d’ailleurs tout autant aux hommes de ne plus être enfermés dans des stéréotypes.
Pensez-vous que les Eglises doivent se sentir concernées par la grève des femmes ?
Concernées absolument, car la vie ecclésiale inclut l’engagement pour la qualité d’une vie humaine fondée sur l’égalité et le partage. Mais tout comme dans la société, un tel engagement nécessite une attention poursuivie et le souci de réformer en profondeur ce qui empêche les relations partenariales et justes.
Les Eglises ont été poussées, bien souvent malgré elles, vers les changements : les langages, la liturgie, la liberté de parole pour les femmes, les responsabilités partagées, la participation aux instances décisionnelles…
Mais l’enjeu fondamental est le changement des esprits : dépasser les peurs, la concurrence, les stéréotypes de rôles, pour vivre des partages et des amitiés. Ce travail de conscientisation est à longue haleine et toujours à reprendre, en lien avec la culture où l’in vit, dans une critique mutuelle bienveillante.